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Pair-aidance et yoga dans nos vies. Un dialogue en marge des pratiques psychiatriques contemporaines

Pair-aidance et yoga dans nos vies.

Un dialogue en marge des pratiques psychiatriques contemporaines

Camille Henry & Yann Derobert

 

Camille

Bonjour Yann, merci vraiment de m’aider à accoucher de ce besoin d’écriture !

 

Yann

Déjà c’est quoi ton projet ? Quel message tu as envie de faire passer ?

 

Camille

A propos du partage expérientiel et de la pair-aidance… avoir un langage plus imagé, dynamique, raconter une petite histoire…avec…des mots personnels, moins scientifiques, plus appuyés sur les ressentis… et par là toucher du monde dans sa chair à lui, atteindre sa propre expérience.

 

Yann |

OK. Et toi, ce serait… En sachant que c’est un public un peu généraliste, on va dire. Qu’est-ce que toi tu as envie de faire passer comme message auprès de ce public-là, concernant ce sujet ?

 

Camille |

Ce qui me vient, peut-être parce que c’est toi, c’est que je fais un peu de yoga. J’en ai fait en atelier collectif une petite année avec un prof, mais j’en fais surtout toute seule maintenant presque quotidiennement. Toi tu connais bien, je crois que tu aimes beaucoup ça aussi depuis de nombreuses années… Un des messages c’est … Pour mon rétablissement, le yoga a pris une place importante. Comme toutes ces disciplines où se mêlent le corps, l’énergie, la respiration, le spirituel, qui permettent un grand ancrage et un lien justement entre tout ce qui est un peu tabou aujourd’hui dans le monde de la santé mentale pragmatique, cartésien, institutionnel. L’énergétique et le spirituel effraient. Et en même temps, de plus en plus piochent dedans, puisque la « mindfulness » (méditation pleine conscience), le yoga, sont proposés désormais aux patients de nombreux lieux de soins standards. En tant que pair-aidante, si on est sensible à ça, on peut proposer des choses qui s’y rapportent. Le soutien ne passe pas uniquement par le verbe, on l’exprime aussi dans son attitude non verbale et pourquoi pas aussi par le toucher. Je pense à des pratiques plus centrées sur la circulation du Chi comme diraient les orientaux… Je commence à faire ça aussi un petit peu quand j’en ressens la justesse. Et m’en sens légitime de par mon expérience et par les retours des personnes auxquelles j’ai proposé cette manière de communiquer, de se relever de leurs angoisses, de se remettre debout dans leur vie sans s’envoler… A travers mon vécu, j’ai senti qu’il y a des choses qui passent par l’invisible, et apprendre à communiquer avec, grâce à des pairs qui ont fait le chemin avant moi en restant, en étant ancré et non dévoré par le flux qu’on traverse. Le yoga est un moyen puissant pour ça, pour rester ancré, pour rester dans cette circulation et ne pas être un bouchon ou une éponge « dégorgeante», trop sale.

J’ai également un autre message. Les yogistes aussi peuvent être concernés par la souffrance mentale aigüe. S’éveiller n’est pas un chemin simple, et il y en a qui ont des déboires, qui luttent pour y parvenir. Tout un chacun peut à un moment être débordé.

 

Yann |

Ok. J’ai vu que tu situais la pair-aidance sous le prisme de l’histoire de la psychiatrie, etc…

 

Camille

Effectivement je suis partie de ce particulier-là qui est le mien…

 

Yann |

Je me suis demandé si ce n’était pas… Comment dire ? Quelque part, la question que je me pose, si tu veux, c’est qu’on est presque amené à justifier la pair-aidance par rapport à ce qui a été fait en psychiatrie, alors qu’on pourrait imaginer la pair-aidance justement sans égard pour ce qui a été fait en psychiatrie, c’est-à-dire qu’à la limite, je ne pense pas qu’on ait besoin de justifier la pair-aidance par rapport à la psychiatrie. Moi, j’ai l’impression qu’elle est « juste » d’emblée et que je trouverais ça intéressant de le mettre seulement dans un deuxième temps, en fait, aujourd’hui, quelles questions ça pose en psychiatrie ? En partant du fait que ça devrait être naturel.

 

Camille |

C’est pas faux ! Je pars de là parce que j’ai l’habitude plutôt d’essayer de convaincre le monde de la psychiatrie qu’il y en a besoin. Et là c’est vrai qu’on sort de ce monde-là, donc autant en profiter effectivement pour dire que l’expérience propre, passer soi-même par des choses particulières, quelles qu’elles soient, peut être nécessaire pour accompagner d’autres personnes qui traversent des situations… ressentis… questionnements semblables. De puiser dans son vécu. C’est plus direct – mais parfois tout aussi long et au moins aussi douloureux ! – que d’apprendre des choses, de se casser la tête pendant des années sur les bancs de l’école, parce que c’est intéressant, ça fascine, c’est une vraie vocation, mais ce n’est pas le même trajet. Cela ne fait pas appel aux mêmes formes d’intelligence. Le savoir expérientiel est inscrit avant tout dans le cœur et les tripes, moins dans le mental. Il est complémentaire à ce savoir théorique accumulé avec les écrits savants de siècles en siècles et leurs méthodes réflexives…

 

Yann |

Récemment, tu sais, j’ai fait des interviews avec des personnes LGBT qui avaient eu une formation de santé mentale. Et je leur demandais, à votre avis, qu’est-ce qu’une personne qui a des difficultés « psychiques » peut faire pour elle-même ? Et là, elles m’ont récité ce qu’elles avaient appris dans la formation. Et après, je leur dis, qu’est-ce que vous avez fait pour vous-même ? Et là, pouf, c’est des réponses complètement différentes. Tu vois peut-être qu’un point de départ ce serait toi, qu’est-ce qui t’a aidé, qu’est-ce qui t’aide ou qu’est-ce qui aurait pu t’aider ? C’est-à-dire de partir de toi dans ton parcours, ce qui t’a paru le plus utile en fait ou le plus précieux.

 

Camille |

Oui, bien sûr. Alors je ne sais plus, je suis désolée, mais j’en ai parlé il me semble… J’ai dit que j’étais concernée. Moi, ce qui m’a le plus aidée, c’est ce rapport au corps que j’ai travaillé pendant de longues années…

Cependant cela ne répond pas au pourquoi je fais de la pair-aidance…

Parce qu’il y a deux choses différentes pour moi. Si je travaille en tant que pair-aidante professionnelle, c’est parce que, effectivement, j’aurais voulu, ça c’est une phrase un peu bateau, que j’ai beaucoup entendue, mais c’est que j’aurais voulu en rencontrer un.e plus tôt dans mon parcours en psychiatrie. Ça aurait certainement accéléré mon rétablissement. C’est une des raisons pour lesquelles j’en ai fait mon métier. Cela étant, ce qui m’a le plus aidée, ce sont globalement les rencontres-déclics. Quand je parle de « rencontres », ce ne sont pas forcément des rencontres humaines, ce sont des connexions. Un bouquin où il y a une phrase, une partie de l’histoire qui a fait miroir avec ce que j’ai vécu. Je pense notamment à Simone de Beauvoir, parce que quand j’ai lu ses « mémoires d’une jeune fille rangée », elle partageait qu’elle a eu une expérience mystique, extatique, contemplative avant de devenir ce qu’elle représente aujourd’hui. Georges Sand aussi… Donc même de grandes figures actives du féminisme, qui pour moi emblématisent des femmes libres, ayant un fort pouvoir d’agir, peuvent avoir eu des moments contrastés, des chemins contradictoires, des errances, des voies sans issue… On ne nait pas libre…il y a des choses qui se développent et c’est au fil de la vie qu’on a créée, qu’on renaît une deuxième fois. Et le rétablissement c’est peut-être ça, c’est juste renaître en fait. On naît une première fois dans une famille, dans un cocon, dans un truc plus ou moins douillet, on arrive sur Terre une fois et puis après… on naît à soi, et c’est tout ce parcours vers mon Soi que j’observe et que j’utilise dans mon travail de pair-aidante. Cette vision vient de Jung et j’en suis désormais consciente… J’y ai toujours été inconsciemment sensible, mais depuis peu, enfin depuis deux ans, je réalise me retrouver dans cette philosophie-là d’expérienceur, de mise en lumière de l’ombre, avec un respect pour que certaines choses restent dans le mystère. La vie est d’une complexité vaste et respecter le mystère qui en fait partie permet d’éviter de nombreux nœuds inutiles à mon corps cérébral.

Et je n’écarte pas la pensée scientifique pour autant…, j’ai toujours voulu faire de la recherche et de l’innovation. Je me rappelle quand j’étais petite, je voulais être inventeuse, j’avais conçu un hamac à la « gogo gadget » pour ma Barbie où il y avait des poches où on pouvait mettre les bouquins et tout, on n’était plus obligé de se lever ! Je l’avais construit, j’avais fait une maquette…un plan en quelques pages… comment on le monte…. Ce n’était pas un truc révolutionnaire mais ça m’a passionnée pendant une dizaine de jours de vacances !

Quand j’explique un peu ce que je fais, je suis sans filtres en ce moment. Je n’arrive pas à mentir. Ma psychiatre actuelle me dit « mais vous êtes un cobaye » quand je lui explique que j’ai réduit mes médicaments, que c’était volontaire, médicalement assisté, elle ne semble pas y croire et parle de rupture de soins. Et moi, je n’arrive pas à m’empêcher de tenter de la convaincre… je tombe directement dans son panneau. J’ai beaucoup de mal à mentir…, ça se voit tout de suite ;voire ça peut me mettre psychiquement en danger… Il y en a qui y arrivent très bien et s’en sortent, mais moi je ne sais pas faire, je sais que je me grille. C’est comme ça que je peux devenir à moitié incontrôlable. Cela changera peut-être un jour mais j’en suis là… à lui répondre tout de go : « Je ne suis pas un cobaye, je suis plutôt dans la recherche, mais je teste sur moi ». Une vision anthropologique de la pair-aidance ; orientée recherche, et connaissance de soi.

 

Yann

Comment tu caractériserais ces rencontres-là ? Qu’est-ce qui les rend particulières ? Qu’est-ce qui fait qu’elles ont de l’intérêt pour toi ?

 

Camille

Tout d’abord, je m’en souviens encore de longues années après avec beaucoup d’émotions, mais ce n’est pas du traumatisme, c’est de la révélation. C’est comme une clé, un morceau de puzzle qui fait que je m’assemble de plus en plus et que je me construis. D’autre part, ces rencontres reflètent des parts de moi que je n’avais pas encore… acceptées ou découvertes, ou qui me faisaient peur et que j’évitais…

 

Yann |

Tu aurais des exemples ?

 

Camille |

Alors oui, le côté mystique m’importe beaucoup. C’était un des sujets de ma première crise, avec le côté artiste aussi. Et, bien plus récemment, avoir rencontré une femme pour qui le sport est vital, m’a reconnectée avec ma « sportive » qui est essentielle pour moi et que j’avais beaucoup laissée de côté depuis de nombreuses années… Voilà. J’ai une personnalité assez forte. Certes, élevée dans une famille très classiquement patriarcale du côté maternel sans vraiment le montrer mais… ça s’est transmis. Les filles, ma sœur et moi, n’ont pas eu les mêmes égards que nos frères, le même droit à la liberté d’agir. Et du coup, c’est cette lutte-là que je fais depuis toujours aussi, d’accepter qu’en étant femme, j’ai le droit d’avoir une forte personnalité et d’exister librement… Et d’ailleurs, c’est marrant parce que… enfin marrant n’est peut-être pas le bon terme. La vie, elle m’amène beaucoup de choses. Et pour ça, j’ai de la chance. Dans mes galères, je rencontre des fées et des farfadets. Par exemple, j’ai rencontré à l’hôpital une Gisèle (nom fictif). Une dame de 75 ans, prof de français à la retraite, avec qui je me suis liée d’amitié d’hospice. Elle m’a aidée après que je lui ai fait un petit massage du crâne, elle avait mal à la tête. Elle m’a donné un exemplaire d’une revue que sa fille, journaliste, a fait paraître il y a peu. Un journal féministe lyonnais qu’elle est en train de créer… Tu vois. C’est souvent comme ça, ma vie. J’ai de la chance, j’ai des étoiles qui arrivent…

 

Yann

Moi, je me dis souvent qu’on en a toujours, mais on ne les voit pas tout le temps, en fait.

 

Camille

Oui, tu as sans doute raison… et puis aussi des fois c’est tellement beau, que je n’arrive pas à y croire et ça ; c’est vraiment moi… là-dessus, j’arrive à être un peu plus apaisée qu’il y a vingt ans, où j’ai eu une forte crise de paranoïa de plusieurs mois qui a fait beaucoup de dégâts dans ma vie mais en même temps c’était que le chemin que je prenais devenait une impasse. Trop alambiqué, sinueux, complexe, je suis passée à autre chose, ça a été très difficile mais voilà. Je suis de moins en moins axée sur la paranoïa. Parce que tu vois ce côté « chercher le pourquoi du comment », en fait je m’en fous de plus en plus. C’est là, et puis c’est tout. C’est un message que j’essaye aussi de… un message, enfin une façon d’être, que dans la pair-aidance j’essaie de montrer. Montrer, parce que tout n’est pas partageable mais montrer justement à des personnes qui sont encore beaucoup impliquées dans ces raisonnements sans fin qui finalement font tourner leur petit vélo beaucoup trop vite et les perdent. Comme cela m’est arrivé, il n’y a pas longtemps encore d’ailleurs. Par excès de doutes. Il y a des expériences qui sont tellement fortes qu’on a du mal à y croire. C’est ça aussi. Quand on accumule trop de bonheur d’un coup, on le fuit, on se dit, mais je ne le mérite pas. Et on détruit. Malheureusement… par maltraitance avant tout envers son estime de soi. J’avance un peu avec ce séjour à l’hôpital, je reçois beaucoup de fleurs, enfin des compliments des autres patients, rencontrés à cette croisée de chemin, qui m’entraînent à continuer à m’accepter. Je ne suis pas encore libérée du regard de l’autre… du besoin d’être aimée.

 

Yann |

Du coup, le yoga, comment tu détaillerais ce que ça t’apporte si tu devais l’expliciter ?

 

Camille |

Je pratique seulement depuis trois ans. Déjà le travail sur la respiration importe beaucoup en yoga. Découvrir le plaisir personnel d’une belle respiration lente et profonde. Si vous faites juste les mouvements sans la travailler, ça devient de la gymnastique et n’a pas du tout les mêmes impacts. C’est cette respiration qui est finalement la plus importante. Je pratique plutôt un yoga dynamique, le vinyasa, où on peut se perdre justement et confondre avec un truc un peu plus gym tonique etc… Il y a également certaines postures qui me font juste du bien en fait, en tant que telles.

Basiquement, un chien tête en bas, mais aussi Shirsasana que je pratique quasi quotidiennement, dans ma séance journalière d’un petit quart d’heure … Salutations au soleil, Shirsasana, et Bakasana. Toutes les postures d’équilibre me font du bien, quand j’arrive à les faire. Et cela me permet aussi de jauger mon état d’ancrage et de sérénité, parce que, par exemple, Shirsasana, si je ne suis pas centrée et sereine, je n’y arrive pas bien, je peux me faire mal. C’est également une bonne façon pour contrer les effets secondaires de certains médicaments psychotropes. Je pense à la perte de tonicité. Je me réjouis, car avec ces quelques efforts non dénués d’attraits, j’arrive à rester dans la concentration, dans la conscience. J’apprécie particulièrement la conscience du corps que cette discipline m’apporte. Le respect révélé qu’on doit à notre véhicule unique sur cette Terre… Par la suite, j’ai découvert une autre pratique qui n’est pas le yoga, je ne vais pas trop en parler là, mais en tout cas, elle me fait également beaucoup avancer. La démarche est inverse à celle du yoga qui est une recherche volontaire de la posture juste… Je me sers de mouvements involontaires du système parasympathique, dans un état de conscience légèrement modifié par une certain façon d’expirer. Cela s’approche de la transe… Et, dans ces états-là, je découvre la justesse… Par exemple, c’est ainsi que j’ai réussi à faire la première fois Bakasana, qui s’est imposé à moi, alors qu’en atelier, je n’y arrivais pas, par peur de me blesser, de tomber la tête la première. Et dans cet état légèrement transcendantal, je l’ai fait naturellement et j’ai compris, j’ai senti ce qu’était la posture juste et maintenant j’adore le faire… Je passe, encore une fois, par l’inconscient pour comprendre les choses et ça, cela fait partie, en tout cas de moi, comment je pratique la pair-aidance, c’est que je fais des trucs et après, seulement après je mets de la pensée dessus. Ou de la conscience ou je ne sais pas. Mais l’origine est dans le spontané.

 

Yann |

Oui, et c’est de l’intuition, tu dirais ?

 

Camille |

Oui, c’est de l’intuition, on pourrait dire ça comme ça. C’est de l’intuition ou plutôt un état inspiré…

Je viens de traverser la plus longue période sans traitement depuis mes 16 ans. J’ai vu que quand je respirais plus en profondeur, plus lentement, quand je prenais le temps, le message était plus clair… et pour cela, tout ce qui fait appel à la créativité et la beauté m’aide beaucoup.

Le sport en soi, pratiquer seul est un bon moyen de décharge. Les sports collectifs, un vrai exercice de communication non violente et d’entraide avec un objectif à la clé.

Faire et être finalement, tout simplement, et pas rester dans sa tête. J’inclus l’état contemplatif dans l’être. Ne pas penser uniquement à son petit « je ». Un mental trop chargé, trop dense, c’est comme un trou noir, c’est de la matière trop condensée, c’est absorbant, douloureux…

En dessin et en piano ; particulièrement, j’arrive à ralentir, à déjouer l’absorption du tout… Et si j’arrive à me focaliser, le message devient plus clair. Je pense qu’il y a tellement de choses qui m’arrivent, que cela ne vient pas uniquement de moi. Je suis inspirée par l’air du temps… et ses multiples acteurs. Quand c’est très chargé, cela donne des comportements instinctifs pas forcément compris et appréciés… Quand j’arrive à ralentir, je me détends et j’entends clairement des voix, des bruits, je sens des présences, qui viennent de mémoires anciennes, d’absents actuels, de gens qui pensent à moi, ou à qui je pense…. Quand je suis dans un état de « petit ‘je’ » je n’arrive pas à écouter et puis aussi également quand j’agis essentiellement avec le mental, je perds une partie de cette conscience collective… Tu vois ce que je veux dire ? Parce que c’est trop dense.

Cependant, si j’arrive à me concentrer un tout petit peu moins sur le total de l’information, là, j’entends clairement un message, je vois des choses…

 

Yann |

Ouais. Et comment tu fais ? Parce que ce n’est pas toujours facile, justement, quand… Moi, dans mon expérience, je ne trouve pas ça toujours facile quand une personne est justement très prise dans ses pensées. Comment fais-tu pour partager ce type de messages ; de dire que ça vaut la peine de ralentir …

 

Camille |

Ce qui me vient à l’esprit, c’est une expérience de ce matin. Une nana avec qui j’ai bien rigolé hier, en toute complicité galérienne. Elle a un problème qui ne s’évacue pas. Ça fait quelques jours, c’est pour ça qu’elle est là. Et justement, ce matin, les infirmières étaient en retard pour la tournée des médicaments, moi j’attends toujours la dernière minute pour ne pas trop faire la queue tout le temps. Et je la vois arriver, elle n’avait pas bien dormi et tout. On était à 7h30 là-bas, donc je dis bah viens, j’avais un disque de Pink Martini. Il y a une salle d’activité où je vais souvent, qui est un peu libre, que personne ne trouve utile, c’est là où je fais mon yoga, etc. Elle vient avec moi et déjà elle était trop contente parce que c’est justement la musique qu’elle aime, qu’elle a envie d’écouter. Je ne me pose plus de questions sur ces coïncidences, je dis bon, c’est comme ça, ça arrive, c’est cool. On devait être ensemble à ce moment-là, tant mieux. Cela m’aide plutôt à être dans l’écoute de la situation qui devient alors particulière… une expérience forte de vie… Après avoir mis la musique en route, je lui ai proposé de faire un peu d’exercices de respiration ventrale pour l’aider. Une respiration qui doit justement être la plus calme possible, qu’on n’entend pas, en quatre temps. Un temps pour inspirer, on bloque, on expire, on bloque, et on recommence jusqu’à ce que cela devienne automatiquement lent et profond… plus le rythme est lent, plus il est profond et plus c’est silencieux. Plus on est dans la sérénité et l’ancrage. Et donc, nous avons fait cela ensemble. Elle était un peu bloquée parce que vraiment très, très, très stressée… Donc, elle m’a dit qu’elle n’y arrivait pas… Elle voulait que je la guide comme un « chef ». Je ne suis pas à l’aise avec l’autorité. Mais bon, je l’ai fait puisqu’elle me le demandait… sic… après… elle n’était pas vraiment disposée pour faire les mouvements que je pouvais lui proposer, je l’ai fait s’allonger et je l’ai mise de côté comme en position de secours et avec la musique, et la respiration profonde, ça l’a débloqué elle s’est sentie beaucoup mieux et j’ai senti là où il fallait aller pour la soulager. Il s’avère que cette fille justement est quelqu’un qui a fait quatre ans d’études en ostéopathie mais n’a pas pu aller jusqu’à pratiquer ce métier. Cela ne m’a pas étonnée, je sentais qu’elle venait de là et que j’allais travailler cela avec elle … j’ai cette empathie-là … je me rends compte de plus en plus consciemment que c’est comme ça que je travaille. Et cela passe parfois par les mains, si c’est quelqu’un qui est dans ce besoin d’être touché. Hier, justement, je l’ai un peu prise dans les bras. Un « free hug ». Elle m’a vite dit « Mais tu sais que ça, c’est un truc qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui font et je ne supporte pas, mais avec toi, ça va. ». Bien alignée, j’arrive à avoir la bonne distance et proximité, dans le contact.

Pour résumer, la réponse à ta question, la pair-aidance serait de trouver le point d’accord, où on se rejoint, sur lequel on peut dénouer des nœuds ensemble. Moi, ça m’a aidée, parce que ça m’a ancrée dans une certaine légitimité par le jeu et par quelque chose qui… n’a pas vraiment de conséquences pour moi et elle, ça l’a soulagée, ça l’a aidée directement.

Yann |

Oui, c’est une question un petit peu périphérique, mais il y a une question que je me pose souvent parce que moi j’ai observé, tu as parlé des livres par exemple ou de ces rencontres-là qui sont très importantes et en fait, je pense à une personne en particulier que je connais depuis… très longtemps, plus de 10 ans au sein du REV1. Ces personnes où… qui réfléchissent énormément, comme tu décrivais, mais pour qui, justement, ils peuvent te réciter Freud quasiment, et ça ne les aide pas du tout. C’est comme s’il y avait un processus de pensée mais il n’y a pas cette « rencontre » qui fait que, alliée à la pensée, il y a un truc qui vient se poser…

 

Camille |

…Je ne suis pas comme ça. D’ailleurs, je n’ai jamais lu Freud, pour info. Juré… Pour Jung, j’ai très envie de le lire… mais je n’ai pas encore commencé, pas un seul bouquin de lui. J’ai décidé de lire d’abord une de ses biographies. Je préfère faire dans ce sens-là depuis mon enfance, grâce à mon père. Il peint. Ce n’est pas son métier, mais il a un très bon coup de crayon, il n’en fait plus maintenant, mais il a fait de la peinture à l’huile pendant un certain temps. Le dessin, ça vient de mon père. C’est venu cette année. Avant, je dessinais, mais pas avec cet élan. Cela s’est révélé cette année en Nouvelle-Zélande, en mars…

En fait, mon père est un technicien de génie, et ma sœur, pareil. Elle a fait une école de dessin. Elle est plutôt comme ce que tu décris. Très érudite. Spéciale. Elle a appris le langage elfique. A quatorze ans, elle écrivait en elfique parce qu’elle était fan de Tolkien… Moi, je ne suis pas comme ça. Plutôt le contraire. Un penchant pour la procrastination…qui me pousse à agir dans l’urgence. Je me rappelle très bien mon père. Il est fan de Salvador Dali. Il a consacré beaucoup de temps et de minutie à construire un tableau où il y a plein de morceaux de différentes œuvres de Dali. Et moi, j’aimais beaucoup le regarder peindre quand j’étais petite, sur ce grand morceau de bois où il faisait des petits détails de certains tableaux de Dali qu’il assemblait. Il n’a pas encore fini. Et je me suis dit, moi, j’aime beaucoup la peinture, mais pas comme mon père, à recopier, à être dans la technique. Et du coup pendant des années en tout cas en peinture, je n’ai jamais voulu apprendre de techniques. L’extrême inverse, trop, tu vois, dans le mouvement opposé… un moment… j’ai décidé de prendre quand même des cours aux Beaux-Arts en amateur, il y a quelques années quand j’habitais en région parisienne, juste quelques heures par semaine, pour apprendre à concevoir des œuvres en peinture et aussi pour des techniques de dessin à partir de modèles. Au premier cours, la prof de peinture nous demande les raisons de notre inscription. J’ai déclaré que je cherchais à peindre les émotions ; de manière abstraite ou non mais voilà. Donc j’ai toujours été attirée plus par les ressentis, mais il s’avère que j’ai plutôt des facilités intellectuelles. Et puis avec mes crises de parano qui ont commencé tôt, les cours d’histoire racontaient ma vie. A ce moment, c’était très compliqué. J’ai eu un blocage, je ne lisais plus. Alors qu’avant je dévorais des bouquins. Que des romans. Et très longtemps, je n’ai plus lu parce que je n’y arrivais pas. C’était trop dur pour moi de lire.

Yann |

… Ça m’intéresse personnellement. Tu ne pouvais plus lire de romans, c’est ça ?

 

Camille |

Je n’y arrivais plus. Oui, c’est ça. Je lisais des trucs techniques. C’était plus simple pour moi.

 

Yann |

Oui, c’est bizarre. Moi, ça fait… Je ne peux plus lire de romans depuis… vingt ans quasiment. D’accord. Et tu as re-pu ?

 

Camille |

Oui, j’ai re-pu. J’ai bien bouffé cette semaine, j’en ai mangé deux !… Et en plus, avec des superbes lunettes loupes ! Ça, c’est une trouvaille extra… les lunettes. Par hasard, elles m’ont sauté dessus à l’aéroport. Littéralement elles sont sorties de leur étui. Des choses que maintenant, je m’en fous, je prends. Ce n’est pas grave, c’est comme ça. J’étais à l’aéroport et… J’ai eu beaucoup de mal à partir de l’aéroport et je vois un étal de lunettes, que je fais tourner pour en choisir une paire, pour me masquer, pour ne pas qu’on me reconnaisse, parce que, sinon j’allais me faire kidnapper… Et des lunettes ont sauté de leur étui. Des loupes niveau 4 et du coup j’arrive très bien à lire sans m’endormir au bout de la troisième page. Parce qu’il y a ça aussi, c’est que j’avais besoin d’un peu d’aide. À cause de certains traitements qui dilatent les pupilles et me provoquent une fatigue oculaire.

 

Yann |

D’accord… Donc si j’ai bien compris, parce que tu parlais justement de lire par exemple sur la vie de Jung, plutôt, ou en tout cas avant, que ses théories ou c’est…

 

Camille |

C’est ça, oui. Je pense que c’est hyper important, notamment pour ce genre de personnage qui s’est inspiré de sa vie pour construire son œuvre.

 

Yann |

Voilà. Et puis c’est peut-être ça qui fait qu’il y a plus une « rencontre » qui peut se produire ? C’est pareil quand tu disais Beauvoir, tu parlais de biographie en fait ?

 

Camille |

Oui. C’est vrai que j’ai toujours été attirée par les romans initiatiques… Herman Hesse, j’aimais beaucoup… Donc oui, c’est vrai …et aussi Kessel. Le Tour du Malheur, j’ai dû le lire, les quatre tomes, j’ai dû le lire, je ne sais pas, quatre, cinq fois. J’aimais beaucoup ce roman qui est d’une joyeuseté impeccable, n’est-ce pas ? Le Tour du Malheur, tout est dit dans le titre. Et ça me fascinait, cette histoire, elle m’a fascinée quand j’étais au lycée. Il y a un livre qui m’a fait pleurer, je ne pleure pas souvent, c’est Le lion de Kessel. J’étais enfant. Quand il meurt, je pleurai à chaudes larmes. Je me rappelle avoir pleuré vraiment fort.. Les images étaient nettes. J’étais petite, mais c’est ce que j’ai beaucoup aimé. Certainement.

 

Yann |

Moi, ça m’est arrivé. Je peux être assez facilement ému au cinéma. Je me souviens, je ne sais pas si tu avais vu le film de Jean-Jacques Annaud, Le Dernier Loup ?

 

Camille

Non, je ne l’ai pas vu…

 

Yann |

En fait, j’étais dans la rue. Je pleurais. J’ai quelqu’un qui me dit, « mais ça va ? ». Je dis, « Ben oui, ça m’a bouleversé ce film… » …, parce que tu parles de paranoïa au lycée, c’est ça ?

 

Camille |

Oui. C’est comme si on se rendait un peu étranger.

 

Yann

Et comment tu… Enfin, toi qui parles… Parce que tu sais, au final, je pense qu’on ne peut pas faire grand-chose d’autre que partager un peu sa vie avec les personnes. Toujours où ça clique pour la personne. En fait, par exemple, là, je suis en lien avec un monsieur dans le sud de la France, donc il est juste au téléphone. Et je me demande ce que je pourrais faire de plus juste ? Qu’est-ce que tu aurais à dire là-dessus par rapport au processus de paranoïa qui reste quand même un énorme challenge ? Parce qu’on ne peut pas juste contredire la personne, ça n’a aucun sens.

 

Camille |

Non, ça n’a aucun sens. Je ne me permets pas de contredire la personne, mais j’essaie de l’encourager, justement…à trouver la solution la plus apaisante dans tous ses chemins qui viennent à elle. Et avec humour… ça, c’est un prochain pas pour moi… je voudrais me former clown. Parce qu’on peut effectivement se raconter des histoires, avoir des croyances. Mais si on le prend avec humour, ce n’est pas contredire la personne … ça m’aide aujourd’hui. Et cesser d’avoir peur du ridicule aussi. La paranoïa, c’est histoire de dire pourquoi ça m’arrive à moi, qu’est-ce qui se passe, tout le monde me regarde, ou alors je suis à la source d’un complot, etc… le film Jeanne D’Arc de Luc Besson m’a aidée là-dessus. Je ne sais pas si tu l’as vu, mais c’est un film qui est très important pour moi. Quand elle est en prison à la fin, où elle revisite mentalement la fois où elle a trouvé l’épée dans l’herbe qui l’a conduite à la mission de sa vie. Cela fait très longtemps que je ne l’ai pas vu, mais ça, ça m’a beaucoup aidée pour la paranoïa. Elle se fait elle-même son procès. Elle se dit, mais alors, il y avait plein d’explications à pourquoi il y avait cette épée dans l’herbe, et toi, tu as choisi celle-là. C’était l’illumination et que tu devais faire ce combat au nom du Christ. Mais ça aurait pu être très bien autre chose… dans le film, Luc Besson fait quelques prises, un chevalier qui la jette, un combat… Il y a de nombreuses autres explications de pourquoi il y avait cette épée à ce moment-là à cette place et qu’elle l’ait prise, et a fait ce qu’elle a fait, parce qu’elle avait envie de le faire, ou qu’elle était programmée pour faire ça. Il y avait plein d’autres explications plausibles tout à fait possibles, elle choisit celle-là.

 

Yann |

Pour expliquer, si je comprends bien… juste pour être sûr l’idée c’était de te montrer que c’est toi qui choisissais une hypothèse, c’est ça ?

 

Camille |

Oui. Et puis aussi, quand je suis face à une situation trop compliquée, avec des enjeux tellement énormes que je veux comprendre, j’ai envie de comprendre, je m’embrouille les pinceaux.… j’ai le droit de me tromper en fait. Et c’est même ça qui rend tout un chacun humain, l’erreur… Si j’arrive aussi à être dans l’instant, parce que souvent, cette histoire de paranoïa, ce sont des histoires de mission ou de danger qui ne sont pas ici et maintenant. Je suis dans un processus d’hypervigilance, de projection, ou de choses comme ça. Il y a un danger qui me court après, mais qui n’y est pas encore. Et donc si je me concentre, toujours pareil, sur l’instant présent, et si possible avec humour, ça peut faire baisser la pression. Enfin il y a aussi le processus de vérification, ça c’est Vincent qui me l’a montré, tout simplement appeler ou vérifier la croyance. Et je l’ai fait il n’y a pas longtemps, j’ai vérifié. Bon, ça a été accueilli un peu bizarre, mais cela m’a rassurée.

 

Yann |

OK. Comment tu aimerais conclure cet entretien ? Cela m’intéresserait d’entendre comment toi, tu… Dans quoi tu aimerais envelopper ces réflexions-là ? Tu vois, ce serait quoi la conclusion ?

 

Camille |

Tout le long de cet interview, j’ai expliqué différentes choses que moi, je vis…

Tout le monde ne vit pas ça et tous ceux que je rencontre n’ont pas ces mêmes expériences-là. Je travaille aujourd’hui dans l’institution… et ils y enferment des gens pour des raisons inexplicables souvent… c’est pas que ça les soigne, c’est que ce sont les plus vulnérables. Et certaines pratiques non humaines les rendent encore plus vulnérables. Et si on ne vient pas dans ces endroits-là, en fait, pour moi, c’est un manque de chance pour de nombreuses personnes, parce que ceux qui arrivent à trouver des chemins un peu alternatifs, ou quelqu’un qui va aller vers des chemins un peu plus légers, ça sera moins stigmatisant pour eux, moins souffrant et surtout plus libre. Si je pratique la pair-aidance institutionnelle, c’est pour essayer d’encourager les gens à retrouver leur humanité, soignant et patient, et qui ne sont pas juste souffrance, symptôme, contrôleur de l’ordre social, régulateur d’humeur, système de réassurance etc.… essayer que chacun agisse en tant que personne, et que les expériences, elles sont là, et que c’est juste des expériences. Si on les voit comme cela, on peut aller au-delà de certaines souffrances et on peut plus facilement passer à autre chose. Souvent je disais que c’était- comme une mauvaise grippe, ces moments-là, c’est que ça peut passer, ça va passer, et on va passer à autre chose, et même on peut s’en sortir plus grand.

 

Yann |

Dans le yoga il y a énormément à dire que la vie c’est une expérience et que si on vit comme ça on se libère de beaucoup de souffrance …est-ce que c’est un peu du même ordre en tout cas ?

 

Camille |

Oui, c’est ça… Et puis en plus, je crois, mais ça pique toujours, qu’il n’y a pas qu’une seule vie. Enfin, je veux dire, on revient, un certain nombre de fois, on revient, une autre fois, je suis toujours penchée sur cette croyance-là. Et ça c’est malgré moi. Je m’appelle Camille, mes parents m’ont appelée Camille comme Camille Claudel… tu vas tout savoir. Ça s’est fait très vite et sur le tard, le choix de mon prénom. Jusqu’à ma naissance, mes parents s’attendaient à avoir un petit mec et c’est moi qui suis arrivée. Et donc un peu dans la précipitation ils m’ont appelée Camille comme Camille Claudel…

 

Yann |

Euh…

Camille |

Oui, c’est ça.

Yann |

Et j’ai une question. Enfin, tu n’es pas obligée de me répondre, bien sûr, si ça te plaît. Mais est-ce que tu m’as dit que tu étais hospitalisée sous contrainte ? Et je me demande… Enfin, c’est-à-dire que… C’est-à-dire, comment ça se fait ?

 

Camille |

Je vais t’expliquer très vite comment ça s’est fait. C’est simple. J’étais en mode parano quand je suis arrivée aux urgences. Il fallait que je sois internée. C’était obligé. Ça allait sauver des vies. J’en ai fait des caisses. Je suis arrivée aux urgences très calme jusque-là. Et là, j’ai… J’ai hurlé, j’ai pleuré, j’ai rigolé, je me suis mise dans tous les états possibles à partir du moment où j’ai entendu là, une voix qui m’a dit «  Allez, Actors Studio , c’est le moment, Actors Studio ! » Et j’ai tout donné. Donc j’ai tout eu !

 

Yann |

Sauver des vies ?

 

Camille |

Bon bah, par amour, si tu veux. En fait, mes enfants étaient enlevés ou allaient se faire enlever. Ils pouvaient se faire enlever. Mon frère était déjà enlevé. Il y avait des questions de rançon, de vie, de mort. C’était très, très sérieux. D’ailleurs, je suis arrivée, j’étais en mode Yakuza, j’étais toute en noir, avec la casquette noire mais c’était pour me tirer après, au bon moment, pour ensuite aller sauver tout le monde. La mission !! Cependant, d’abord, je devais me faire enfermer, je disais même à mon mari : « Mais t’es sûr que c’est toi qui veux reprendre la voiture ? Parce que moi, j’ai de l’entraînement, moi je peux le faire, mais toi tu es fatigué. Tu ne veux pas te faire enfermer à ma place, viens, on va changer le nom sur la feuille » …

 

Yann |

Et maintenant, a posteriori, qu’est-ce que tu pensais de ça en fait ? Qu’est-ce qui faisait que tu pensais qu’il y avait un danger pour tes enfants, ton frère ?

 

Camille |

Mon frère, je ne sais pas trop. Je sais juste qu’il a des difficultés au travail. C’est lui que j’ai appelé quand j’étais à l’aéroport pour m’aider à me prendre un billet d’avion. Je n’arrivais pas à prendre le billet d’avion… j’avais une peur, c’était que mes enfants soient mourants. Mes enfants n’étaient pas mourants, mais ils me manquaient terriblement….

 

Yann |

D’accord. Bon. Ça te va si on s’arrête là pour l’instant ?

 

Camille |

Oui, complètement. Qu’est-ce que t’en penses à première vue ?

 

Yann |

De l’échange là, moi je trouve ça super intéressant.

 

Camille |

Moi j’ai bien aimé aussi. Déjà ça.

 

Yann |

C’est ça, déjà, en tant que tel. On n’a jamais eu beaucoup d’échanges. Non ?

 

Camille |

C’est l’occasion. Donc, tout arrive.

 

Yann |

Voilà. Merci Camille. À très bientôt pour la suite.

 

Camille |

Oui, ça marche. Allez, bye bye.

 

Camille & Yann,

Décembre 2024

Présentation des auteurs

De par les aléas de la vie, après avoir débuté une école d’ingénieur en agriculture en 2001, et une migration vers un master recherche en Ecologie, Ecologie microbienne et Evolution obtenu en 2007 sans conclure par une thèse, Camille Henry se forme à la pair-aidance en 2018-2019 via la licence SSS option MSP2 de Paris XIII à Bobigny et travaille depuis pour le CHU du Vinatier (Bron) comme médiatrice de santé paire et ingénieure hospitalier. Depuis 2022 elle occupe ses fonctions en équipe mobile de crise pour le secteur du 3e, 6e et 8e arrondissement lyonnais et a également des missions transversales d’enseignement, de coordination, d’ingénierie et de recherche. Ses temps autant de travail que libres et personnels sont précieux, si elle les pratique seule ou avec des gens qu’elle aime… la nature, l’art et l’engagement sont essentiels dans sa vie. Formée au Dialogue Intérieur, la collaboration avec Patrick le Cardinal depuis 2022 et Vincent Demassiet en 2023 sur le projet EDEN3 l’ont rapprochée de l’AFDI4 et du REV, associations dont elle est membre depuis deux ans.

Après des études vétérinaires et une thèse en neurosciences, Yann Derobert commence à explorer le champ de l’éducation populaire en sciences en 2003, avant de reprendre des études en psychologie. Choqué par ce qu’il découvre en psychiatrie et cherchant des alternatives, il rencontre le mouvement international sur l’entente de voix en 2009 aux Pays-Bas et revient en France déterminé à y créer le premier groupe d’entendeurs de voix (2010) puis le Réseau français sur l’entente de voix (REV France, 2011) dont il coordonne les activités de formation et de congrès. Il crée son organisme de formation « Vivre ma vie » en 2012 et anime depuis régulièrement des ateliers, groupes et formations sur la santé mentale et la santé avec une approche holistique et dans une perspective d’autonomie et d’émancipation. En 2023, il crée avec une amie anthropologue, Alizé Lacoste-Jeanson, la maison d’édition « Failles » dans le but de rendre accessible au public francophone des ouvrages innovants en santé mentale. Il est également passionné de yoga.

1 REV France : Réseau français sur l’entente de voix. Le Réseau français sur l’entente de voix (REV France) s’inscrit dans le Mouvement international sur l’entente de voix qui est représenté par une vingtaine de réseaux nationaux de par le monde. Notre objectif est de promouvoir une approche des voix et des autres perceptions, expériences ou vécus inhabituels, respectueuse des personnes et de leur expertise. Réseau français sur l’entente de voix (revfrance.org)